Eurifm15

1399-1400

CHRISTINE DE PIZAN, Epistre Othea, cap. 70 (127a)

Testo tratto da: Christine de Pizan, Epistre Othea, (ed. critica a cura di Parussa G.), Genève 1999, pp.  297-299

Cap. 70

Texte.lxx

Ne va pas aux portes de fer

Querre Euridice en enfer;

Pou y ghigna a tout sa lire

Orpheüs, si com j’ouÿ dire.

 

Glose .lxx

Orpheus, le poete qui si bien harpoit, dit une fable que il se maria a la belle Euridice; mais le jour de ses nopces s’aloit esbanoyant par un pré, piez nuds, pour la grant chaleur du soleil. Un pastour couvoita la belle et pour elle efforcier se meta u cours et celle, qui devant lui fuyoit pour crainte de lui, fut morse d’un serpent qui muciez fu soubz l’erbe dont la pulcelle fu morte en petit de termine. Trop fu dolent Orpheus de celle male aventure, si prent sa lire et s’en vait aux portes de fer, en la valee tenebreuse devant le palais infernal, et adonc prist a harper un pitex lay. Et tant doulcement chantoit que tous le tormens d’enfer en accoisierent et tous les infernaulx offices furent cessez pour escouter le son de la lire, et mesmement Proserpine la deesse d’enfer fu meue de grant pitié. Adont Pluto, Lucifer, Cerberus et Acaron, qui virent pour le harpeur les officiers delaissier les infernales peines, lui rendirent sa femme par tel si que il yroit devant et elle après sans soy retourner arriere –ou, s’il se retournoit, il la perdroit- jusques ilz fussent hors de l’infernale valee. Pour se couvent lui fu rendue Euridice, si s’en aloit devant. Orpheus et s’amie après, mais cellei qui trop amoit ne se pot tenir de retourner pour s’amie que a regarder desiroit, et tantost Euridice de lui se depart et reffuit en enfer, ne plus avoir ne la pot. Ceste fable peut estre entendue en assez de manieres: et pot estre aucun a qui sa femme fu tollue et puis rende et puis la reperdi; ou pot estre chastel ou autre chose, mais a nostre propos peut estre dit que bien quiert Euridice en enfer qui quiert chose impossibile, ne pour ycelles recouvrer on ne se doit donner merencolie. Ce meismes dit Solon: «Somme follie ets de querre ce qui est impossibile a avoir».

 

Allegorie. lxx.

Que il ne doie aler querre Euridice en enfer pouons entendre que le bon esperit ne doit tendre ne requerir a Dieu chose miraculeuse ne merveillable, qui est appellé tempter Dieu. Et dit saint Augustin sus l’Euvangile sint Jehan que la requeste que la creature fait a Dieu n’est pas exaulsee quant elle chose qui ne se peut faire ou qui ne se doit faire, ou chose dont elle useroit mauvaisement se elle lui estoit ottroyee, ou chose qui blesseroit sona me se elle estoit exaussee. Et pour ce de la misericorde de Dieu vient se il ne donne mie a la creature chose dont il scet que elle useroit mal. A ce propos dit Saint Jaques l’appostre en son epistre: «Petitis et non accipitis eo quod male petatis». Jacobi. Iiij capitulo.