Semfm14

1399-1400

CHRISTINE de PISAN, Epistre d’Othea

Testo tratto da: Edizione critica a cura di Parussa G., Genève 1999, pp.289-290

Texte

S’il avient que d’amours affoles,

Gard au moins a qui tu paroles,

Que ton fait ne soit enmeslè,

Souviengne toy de Semeslè.

Glose

Dit la fable que Semellé fu une damoiselle que Jupiter ama par amours. Juno, qui en jalousie en fu, prist la semblance d’une ancienne femme, vint a Semellé et par belles paroles la prist a raisonner. Et tant fist que Semellé lui recognut toute l’amour de lui et de son amy, et d’estre bien amee et conjouyé de lui se vantoit. Adont la deesse dist a celle qui guarde ne s’en prenoit de la devance que rien ne s’estoit ancore apperceue de l’amour, mais quant elle seroit avecques lui que elle lui requeist un don et, quant bien lui aroit promis et accordé, que elle lui demandast que en telle maniere la voulsist accoller comme il accolloit Juno, sa femme, quant avec elle se vouloit solacier, et par celle maniere pourroit appercevoir l’amour de son amy. Semellé nè l’oublia mie et quant la requeste ot faite a Jupiter,qui promis lui ot et comme dieu ne le pot rappeller, en fu moult dolent et bien sceut que elle avoit esté deceue. Adont prist Jupiter smeblance de feu et accolla s’amie, qui en pou d’eure fu toute arse et brouye, dont a jupiter moult pesa de l’aventure. Sus ceste fable peuent estre pris plusieurs entendemens, et mesme sus la science d’astronomie, comme dient les maistres. Mais il peut estre que par aucune voye fu deceue une damoiselle par la femme de son amy, (124a) par quoy il meismes la fist mourir par inadvertence. Et pour ce dit au bon chevalier que il se doit garder, quant il parle de chose que il veult celer devant que il porpose sa parole, et a qui il la dit, et ce qu’il dit ; car par les circonstances peuent estre entendues les choses. Puor ce dit Hermés : « Ne revelles les secrés de tes pensees fors a ceulx que tu aras bien esprouvez »

Allegorie.Que il garde a qui il parle pouons entendre que le bon esperit, quel soient ses pensees, se doit garder en tous cas ou il pourroit cheoir male souspeçon a autruy. Comme dit saint Augustin ou livre des Brebis que nous ne devons pas tant seulement avoir cure d’avoir bonne conscience, mais tant comme peut nostre enfermeté, tant comme peut la diligence de fragilité humaine, devons avoir cure que nous ne faciens chose qui viengne a mauvaise souspeçon a noz freres enfermes. A ce propos dit saint Pol : « In omnibus prebe te exemplum bonorum operum ». Ad Titum .ij. capitulo.